Pourquoi et comment prendre en compte les critères ESG en tant qu’investisseur?

30TH March 2023

Depuis de nombreuses années maintenant, les investisseurs savent qu’ils ne peuvent plus se fier uniquement à des indicateurs financiers pour évaluer la valeur d’une entreprise. Il est en effet primordial de prendre en compte les aspects environnementaux, sociaux et de gouvernance pour avoir une vision globale de l’entreprise dans laquelle un investisseur souhaite placer son argent. C’est ce qu’on appelle l’ESG.

Cette notion n’est pas nouvelle. Déjà en 1960, la notion d’Investissement Socialement Responsable (ISR) était évoquée, une stratégie d’investissement qui vise à la fois un changement social et des rendements financiers pour les investisseurs.

Le terme ESG, est apparu en 2005 dans une étude de l’ONU commanditée par son secrétaire général de l’époque, Kofi Annan, intitulée « Who Cares Wins – Connecting Financial Markets to a Changing World ». Le rapport présente un ensemble de recommandations visant à promouvoir l’intégration des facteurs ESG dans les décisions d’investissement et à encourager une vision à long terme de la valeur.

Selon l’étude Schroders 2019 Global Investor Study, qui a interrogé 25 000 investisseurs dans le monde entier, plus de 60 % des moins de 71 ans estiment que tous les fonds d’investissement – et pas seulement ceux qui sont explicitement définis comme des fonds d’investissement durable – devraient prendre en compte les facteurs de sustainability lorsqu’ils effectuent des investissements.

Ainsi il semble que cette notion est toujours plus importante en 2023, nous verrons pourquoi dans cet article et surtout comment l’implémenter concrétement.

I) Pourquoi l’ESG est important pour un investisseur?

A) L’ESG permet de réduire les risques financiers liés aux enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance.

L’intégration des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans les décisions d’investissement permet de réduire les risques financiers liés à ces enjeux. En effet, les entreprises qui tiennent compte des facteurs ESG sont moins exposées à des risques non financiers, tels que la réputation, le politique ou la réglementation. Elles sont également plus résiliantes face aux chocs externes, comme les catastrophes naturelles ou les crises sanitaires de fait de leurs évaluations en amont. Qui plus est, les investisseurs qui utilisent des filtres ESG bénéficient d’une réduction du risque sur leurs portefeuilles, grâce à une meilleure diversification et à une sélection de titres souvent novateurs.

En effet, Il y a de nombreuses sociétés qui ont eu des problèmes de réputation ayant entrainé une forte baisse de leur valeur total, à l’image de Uber, accusé de multiples violations des droits sociaux et du travail, telles que l’exploitation des chauffeurs, le harcèlement sexuel, la discrimination ou l’évasion fiscale. Uber a fait face à plusieurs procès, boycotts et manifestations dans différents pays, et sa valeur boursière a chuté de près de 40% entre son introduction en 2019 et fin 2020.

En ayant pris en compte la valeur social de l’entreprise, ses investisseurs auraient put déceler cette faiblesse et ainsi mieux considérer son investissements.

B) L’ESG permet de saisir des opportunités de croissance liées à la transition écologique et sociale.

L’investissement responsable ne se limite pas à éviter les risques liés aux enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance. Il permet également de trouver des opportunités d’investissement dans des domaines qui n’auraient pas été valorisés sur la simple analyse de leurs résultats économiques.

Ainsi, un investissement dans une entreprise des domaines de l’énergie renouvelable, de l’économie circulaire ou de l’inclusion sociale ne semble pas toujours pas toujours être un choix judicieux d’investissement au premier abord. Pourtant, d’après des études du cabinet de conseil américain McKinsey ou du World Economic Forum, ces sociétés :

  • répondent à la demande croissante des consommateurs et des investisseurs pour des produits et des services plus respectueux de l’environnement et de la société,
  • elles optimisent souvent mieux leurs coûts opérationnels grâce à l’utilisation de ressources naturelles, de matière recyclés ou en améliorant leur rendement énergétique. Ainsi, Unilever, par exemple, a économisé 1 milliard de dollars depuis 2008 en réduisant de manière proactive sa consommation d’eau, d’énergie et de matériaux. Les mesures d’économie d’eau et d’énergie mises en œuvre dans 11 entreprises du portefeuille de KKR génère 11 millions de dollars d’économies annuelles depuis 2019.
  • favorisent la fidélisation et la motivation de leurs employés,

D’après une enquête de Bain & Company, 60% des fonds ont une politique ESG formalisée, 57% ont augmenté leurs ressources ESG au cours des trois dernières années et 75% ont intégré l’ESG dans leur processus de due diligence. L’enquête montre également que 70% des fonds ont un système de reporting ESG pour leurs participations, mais que seulement 30% utilisent des indicateurs clés de performance (KPI) standardisés.

Ainsi, il semble qu’avoir une politique d’ESG basée sur des KPIs est une bonne méthode pour se démarquer auprès des marques, des clients ou des LP’s.

ESG for private equity

II) Comment mettre en place concrètement une politique ESG à chaque étape du processus d’investissement ?

A) En définissant la politique et les objectifs d’investissement de votre fond

La définition de la politique et des objectifs est la première étape du processus d’intégration ESG. Elle consiste à établir le cadre général et les orientations stratégiques de l’investisseur en matière d’investissement responsable. Il est conseillé de définir clairement les éléments suivants:

  • Le périmètre: il s’agit de préciser le champ d’application de l’intégration ESG, c’est-à-dire les classes d’actifs, les marchés, les secteurs ou les thèmes concernés.
  • Les principes: il s’agit de définir les valeurs, les normes ou les référentiels qui guident l’intégration ESG, tels que les Principes pour l’Investissement Responsable (PRI), les Objectifs de Développement Durable (ODD) ou les Accords de Paris sur le climat.
  • Les motivations: il s’agit d’expliquer les raisons qui poussent l’investisseur à intégrer l’ESG, qu’elles soient financières (améliorer le rendement ajusté du risque), éthiques (aligner l’investissement avec la mission ou la vision) ou réglementaires (respecter les obligations légales ou contractuelles).
  • Les indicateurs de performance: il s’agit de choisir des mesures quantitatives ou qualitatives pour évaluer l’efficacité et l’impact de l’intégration ESG, tels que le score ESG moyen du portefeuille, la réduction des émissions de gaz à effet de serre ou le nombre d’entreprises engagées.
  • Les rapports attendus: il s’agit de déterminer la fréquence, le format et le contenu des rapports sur l’intégration ESG, ainsi que les destinataires et les canaux de diffusion.

Il est également important de communiquer la politique aux parties prenantes internes et externes afin de renforcer la crédibilité et la transparence de l’investisseur. Les parties prenantes internes comprennent notamment les dirigeants, les employés et les comités internes, tandis que les parties prenantes externes comprennent notamment les clients, les bénéficiaires, les régulateurs et le public.

Enfin, il est recommandé de réviser régulièrement la politique en fonction des évolutions du marché financier, des enjeux ESG ou des attentes des parties prenantes. La révision peut impliquer une consultation interne ou externe pour recueillir des feedbacks ou des suggestions.

Un exemple concret d’une politique d’intégration ESG bien définie et communiquée est celui de Norges Bank Investment manager, le fonds souverain norvégien qui publie sa politique d’investissement responsable sur son site web. Cette politique couvre tous ses investissements en actions cotées et non cotées. Elle repose sur trois principes: respecter ses obligations en tant qu’actionnaire responsable; contribuer au développement durable; gérer efficacement son risque financier. Elle explique aussi ses motivations financières et éthiques, ses méthodes d’intégration ESG, ses indicateurs clés, ses rapports annuels, ainsi que son processus de révision périodique.

En cas de besoin lors de la définition de cette feuille de route, les cabinets de private equity peuvent faire appel à des senior advisors qui pourront les aider grâce à leurs expérience passées.

B) En utilisant des méthodes d’analyse extra-financière basées sur les critères ESG.

Une fois vos critères définis, vous devez chercher à les mesure dans vos investissements. Pour cela, plusieurs méthodes existent :

  • La notation ESG consiste à attribuer une note globale ou par dimension (environnementale, sociale et de gouvernance) à chaque entreprise en fonction de sa performance sur les critères ESG pertinents. Cette note peut être utilisée pour comparer les entreprises entre elles ou par rapport à un indice de référence, ou pour exclure les entreprises ayant une note inférieure à un seuil défini.
  • Le scoring ESG consiste à évaluer l’impact financier des facteurs ESG sur la valeur fondamentale de chaque entreprise, en tenant compte des risques et des opportunités liés à ces facteurs. Ce score peut être utilisé pour ajuster le modèle d’évaluation financière de l’entreprise, par exemple en modifiant le taux d’actualisation, le taux de croissance ou les flux de trésorerie futurs.
  • Le poids relatif ESG consiste à modifier le poids de chaque entreprise dans le portefeuille en fonction de sa performance relative sur les critères ESG par rapport aux autres entreprises du même secteur ou du même pays. Cette technique vise à surpondérer les entreprises ayant une meilleure performance ESG et à sous-pondérer celles ayant une moins bonne performance ESG.
  • La pondération optimisée ESG consiste à optimiser le portefeuille en fonction d’un objectif de performance financière et d’un objectif de performance ESG, en utilisant des algorithmes mathématiques. Cette technique vise à maximiser l’exposition aux facteurs ESG tout en respectant les contraintes du portefeuille (risque, rendement, diversification, etc.).

Ces méthodes ne sont pas exclusives et peuvent être combinées pour renforcer l’intégration ESG dans l’analyse extra-financière. Un appel avec un expert peut être une bonne solution pour obtenir une aide efficace et rapide sur la meilleure méthode à adapter selon la structure de l’investissement.

Conclusion

En conclusion, l’intégration des critères ESG dans les décisions d’investissement est devenue essentielle pour les investisseurs en raison des nombreux avantages qu’elle procure. D’une part, elle permet de réduire les risques financiers liés aux enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance en évaluant la résilience des entreprises aux chocs externes et en évitant les sociétés ayant une mauvaise réputation. D’autre part, elle offre des opportunités d’investissement dans des domaines tels que l’énergie renouvelable, l’économie circulaire ou l’inclusion sociale, qui répondent à la demande croissante de produits et de services plus respectueux de l’environnement et de la société. Les investisseurs doivent donc prendre en compte ces critères pour avoir une vision globale de l’entreprise et choisir des investissements durables, rentables et à long terme.